En rendant son rapport final, le Comité consultatif présidentiel sur la réforme agraire et l’agriculture, qui regroupe des experts, a apporté le 28 juillet 2019 son soutien à la redistribution de terres sans indemnisation des propriétaires expropriés, mais seulement sous certaines conditions. Et ce, alors que le gouvernement poursuit une réforme agraire controversée. Le président Cyril Ramaphosa, qui avait installé ce comité en 2018 après son arrivée au pouvoir en février de la même année, a fait de la réforme agraire une priorité. Celle-ci vise à corriger les inégalités entre la majorité noire et la minorité blanche, héritées de l’apartheid.Selon une étude, 73% de la terre appartient toujours aux Blancs. A la fin de l’apartheid (1994), le pourcentage s’élevait à 85%. Les nouvelles autorités avaient alors expliqué qu’elles voulaient rétrocéder 30% de cette terre aux précédents propriétaires. Conclusion : “Comme le reste de l’économie, l’agriculture reste largement aux mains des Blancs” un quart de siècle après le démantèlement du système de ségrégation raciale, expliquait franceinfo Afrique en mars 2018.Section 25 de la Constitution“Le Comité soutient le tournant politique proposé visant à utiliser les dispositions de la Constitution pour exproprier des terres sans dédommagement”, indique-t-il dans son rapport. Cependant, l’expropriation “n’a pas besoin d’être utilisée dans tous les cas, et ne devrait pas”, ajoute-t-il.Le Parlement sud-africain doit débattre en 2019 d’une modification de la Constitution destinée à renforcer les conditions légales des saisies de terres. En 2018, un rapport du Comité de révision constitutionnelle “recommandait que le Parlement amende la section 25 de la Constitution pour rendre explicite ce qui est implicite (dans le texte, NDLR) en ce qui concerne l’expropriation de terre sans compensation” sous l’apartheid, rappelle le site sud-africain businesstech.co.za. Recommandation par la suite approuvée par les parlementaires. Actuellement, cette fameuse section 25 stipule qu’“une propriété peut être expropriée uniquement (…) à des fins publiques ou pour un intérêt public et (…) sous réserve de compensation”.
Le Comité consultatif présidentiel sur la réforme agraire demande plus de clarté dans un projet de “loi d’expropriation” actuellement examiné par le Parlement. Ce texte dresse déjà une liste des conditions nécessaires pour rendre possibles des expropriations sans compensations. Il suggère ainsi qu’on se passe de dédommagements notamment et seulement “quand la terre est occupée ou utilisée par un exploitant locataire”, rappelle businestech.co.za. Quand elle est détenue dans “un but spéculatif”, quand elle appartient à l’Etat, “quand la terre a été abandonnée par son propriétaire”. Selon le comité, les propriétaires qui ont acheté des terres après la fin de l’apartheid en 1994 devraient être traités différemment de ceux qui ont hérité de terres détenues sous le régime raciste.Problème politique majeurLa redistribution forcée des terres est devenue un élément essentiel pour le Congrès national africain (ANC). Le parti au pouvoir tente ainsi de regagner le soutien des électeurs noirs pauvres qui souffrent toujours de fortes inégalités raciales, 25 ans après la fin du régime de l’apartheid. Il essaie aussi de ne pas se faire doubler sur sa gauche par le leader radical Julius Malema, chef des Combattants pour la liberté économique (EFF), qui a fait de l’expropriation l’un de ses thèmes favoris. Et explique : “Nous ne haïssons pas les Blancs, nous aimons simplement les Noirs.” Il a déjà été accusé de racisme par ses adversaires.Sous la pression de l’ANC, Cyril Ramaphosa souhaite donc que la Constitution sud-africaine soit modifiée pour explicitement autoriser les expropriations de terres sans que les propriétaires soient dédommagés. Il a affirmé que la réforme commencerait avec des terres appartenant à l’Etat dans des zones urbaines, libérées pour des logements, et qu’elle ne porterait pas préjudice à l’économie du pays.Jugeant les données sur la propriété des terres toujours incomplètes, le comité d’experts a réclamé un audit national pour préciser qui les détient.